Note d’exposés donnés dans le cadre d’un groupe de lecture de doctorant.e.s autour de la thèse de Deligne.

Esposé de Rufus Lawrence

Suites spectrales et lemme des deux filtrations, partie 2

Lemme des deux filtrations, suite

On rappelle la situation : on se donne $\mathscr{A}$ une catégorie abélienne, $K^\bullet$ un complexe différentiel d’objets de $\mathscr{A}$, muni d’une filtration $F$, compatible avec la différentielle.

Alors $F$ induit une suite spectrale $E^{p,q}_r = E^{p,q}_r ( K , F )$ : on a défini des cycles

\[Z_r^{p,q} = \ker ( d : F^p ( K^{\textcolor{red}{p+q}} ) \to K^{\textcolor{red}{p+q}+1} / F^{p+r} ( K^{\textcolor{red}{p+q}+1} ) )\]

et des bords $B_r^{p,q}$ tel que

\[K^{\textcolor{red}{p+q}} / B^{p,q}_r \simeq \mathop{\mathrm{\mathrm{coker}}}( d : F^{p-q+1} ( K ^{\textcolor{red}{p+q}-1} ) \to K^{\textcolor{red}{p+q}} / F^{p+1} ( K^{\textcolor{red}{p+q}} ) )\]

de sorte que

\begin{equation} E_r^{p,q} = \mathop{\mathrm{\mathrm{Im}}}( Z_r^{p,q} \to K^{\textcolor{red}{p+q}} /B_r^{p,q} ) = Z_r^{p,q} / (B_r^{p,q} \cap Z_r^{p,q} ) \label{def:page-def-1} \end{equation}

\begin{equation} E_r^{p,q} = \ker ( K^{\textcolor{red}{p+q}} / B^{p,q}_r \to K^{\textcolor{red}{p+q}} / ( Z_r^{p,q} + B_r^{p,q} ) ) . \label{def:page-def-2} \end{equation}

On a de plus

\begin{equation} E_{r+1}^{p,q} = H ( E_r^{p-r,q+r-1} \to E_r^{p,q} \to E^{p+r,q-r+1}_r ) . \label{equation:page-comme-groupe-de-cohomologie} \end{equation}

Filtration décalée

Soit \(( K,F )\) un complexe filtré. Le complexe décalé \(\mathop{\mathrm{\mathrm{Dec}}}( K )\) est le complexe \(K\) muni de la filtration

\[\mathop{\mathrm{\mathrm{Dec}}}( F ) ^p K^n = Z_1^{p+n , - p }\]

C’est bien une filtration, puisque

\[Z^{p+n +1 , - p}_1 \subseteq F^{p+1+n} ( K^n ) \subseteq B_1^{p+n , - p} \subseteq Z_1^{p+n+1, -p}\]

et on a un morphisme

\[Z_1^{p+n, -p} / Z_1^{p+n+1, - p - 1 } \longrightarrow Z_1^{p+n, -p} / B_1^{p+1, - p }\]

ce qui fournit

\[u : E_0^{p,n-p} ( \mathop{\mathrm{\mathrm{Dec}}}( K ) ) \longrightarrow E_1^{p+n,-p} ( K ).\]

Définition 16. Un morphisme $f : ( K , F ) \to ( K ‘ , F ‘ )$ est un quasi-isomorphisme filtré si $\mathop{\mathrm{\mathrm{Gr}}}( f )$ est un quasi-isomorphisme.

Un morphisme $f : ( K , F , W ) \to ( K ‘ , F ‘ , W ‘ )$ est un quasi-isomorphisme filtré si $\mathop{\mathrm{\mathrm{Gr}}}_W \mathop{\mathrm{\mathrm{Gr}}}_F ( f )$ est un quasi-isomorphisme.

Proposition 17. On a les faits suivants.

  1. $u$ est un morphisme de complexes gradués.

  2. $u$ est un quasi-isomorphisme filtré.

  3. $u$ induite de proche en proche des isomomorphismes \(E_r ( \mathop{\mathrm{\mathrm{Dec}}}( K ) ) \simeq E_{r+1} ( K ) .\)

Deux filtrations

On se donne $( K , F , W )$ un complexe doublement filtré, et on considère $E^{p,q}_r = E_r^{p,q} ( K , W )$. Dans ce cas, $F$ induit des filtrations sur les $E_r^{p,q}$.

  • En effet, \eqref{def:page-def-1} identifie $E_r^{p,q}$ à un quotient d’un sous-objet de $K^{p+q}$. De cette façon, $F$ induit une filtration $F_d$ sur $E_r^{p,q}$, la première filtration directe.

  • Ensuite, \eqref{def:page-def-2} identifie $E_r^{p,q}$ à un sous-objet d’un quotient de $K^{p+q}$, et $F$ induit une autre filtration $F_{d^}$, la *seconde filtration directe.

  • Enfin, \eqref{equation:page-comme-groupe-de-cohomologie} identifie $E_{r+1}^{p,q}$ à un quotient d’un sous-objet de $E_r^{p,q}$. La filtration récursive $F_{rec}$ est obtenue en posant :

    1. $F_{rec} = F_d$ sur $E_0^{p,q}$ ;

    2. sur $E_{r+1}$, $F_{rec}$ est celle induite par $F_{rec}$ sur $E_r$.

Théorème 18. Soit $K$ un complexe différentiel d’objets de $\mathscr{A}$ muni de deux filtrations $W$ et $F$, avec $F$ birrégulière. On suppose qu’il existe un rang de page $r_0 \geqslant 0$ tel que pour tout $0\leqslant r \leqslant r_0$ les différentielles de $E_r ( K , W )$ sont strictement compatibles à $F_{rec}$.

Alors pour $r\leqslant r_0 +1$, \(F_d = F_{d^* } = F_{rec}\) sur $E_r^{p,q}$.

Corollary 19. Si $d_r$ est strictement compatible à \(F_{rec}\) pour tout $r$, alors \(F_{rec} = F_d = F_{d^*}\) sur $E_\infty$ et coincident avec la filtration induite par $F$ sur $H ( K^\bullet )$.

Pour terminer, petits rappels de différentielles kälheriennes

Soit $A$ un anneau, $\varphi : A \to B$ une structure de $A$-algèbre sur un anneau $B$.

Soit $M$ un $B$-module. Une $A$-dérivation de $B$ dans $M$ est un homomorphisme de $A$-modules $\mathrm d:B\to M$ tel que

\[\mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}\circ \varphi = 0\] \[\mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}( fg ) = f \mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}g + g \mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}f\]

Alors $\Omega_{A/B}$ est le $B$-module défini par la propriété universelle suivante : si $B\to \Omega_{A/B}$ et $B\to M$ sont des $A$-dérivations, il existe un et un seul morphisme $\Omega_{A/B} \to M$ factorisant.

Définition 20. Soit $f: X \to Y$ un morphisme de shémas, $\Delta : X \to X \times_Y X$ le morphisme diagonale.

L’image $\Delta ( X )$ est localement fermée dans $X\times _Y X$ et est isomorphe à $X$ . Soit $W$ un ouvert de $X\times _Y X$ contenant $\Delta ( X )$ comme fermé, et $\mathscr J$ le faisceau d’idéaux de $\Delta ( X )$ dans $W$.

On pose \(\Omega_{X/Y} = \Delta ^* ( \mathscr J / \mathscr J^2 )\) et on vérifie qu’on a une différentielle \(\mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}: \mathscr{O}_X \to \Omega_{X/Y}\).

Pour tout entier $n$ positif, on pose \(\Omega_{X/Y}^n = \Lambda ^n \Omega_{X/Y} .\) En imposant $\mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}\circ \mathop{\mathrm{\mathrm{d}}}$ et la règle de Leibniz, on peut étendre en un complexe

\[\Omega^\bullet : \mathscr{O}_X \to \mathscr{O}_{X/Y} \to \Omega^1_{X/Y} \to \Omega^2_{X/Y} \to ...\]

de faisceaux de $\mathscr{O}_X$-modules.

Hypercohomologie

Soit $\mathscr{I}^\bullet$ un complexe de bons faisceaux (suffisamment d’injectifs) sur un schéma noetherien $f: X \to \mathop{\mathrm{\mathrm{Spec}}}( k )$ de type fini. On pose \(\mathbf H^i ( X , \mathscr{I}^\bullet ) = H^i ( R^i f_* \mathscr{I}^\bullet )\) de sorte que

  1. si $\alpha : \mathscr{I}^\bullet \to \mathscr G^\bullet$ est un quasi-iso, le morphisme induit \(\alpha_* : \mathbf H^i ( X , \mathscr{I}^\bullet ) \to \mathbf H^i ( X , \mathscr G^\bullet )\) est un isomorphisme

  2. si $\mathscr{I}^\bullet$ est concentré en un degré, on retombe sur la cohomologie des faisceaux

Références

Deligne, Pierre. 1971. “Théorie de Hodge: II.” Publications Mathématiques de l’IHÉS 40: 5–57.